Si l’on en croit le discours médiatique ambiant, la politique d’immigration proposée par les principaux candidats de droite serait en tout point similaire ; le trio Pécresse, Zemmour, Le Pen ne formerait qu’un seul et même bloc unanime sur la question. Pourtant, si les deux candidats de la droite nationale affichent une rupture avec celui de Valérie Pécresse, c’est bien celui d’Éric Zemmour qui affiche les ambitions les plus sérieuses en matière de lutte contre l’immigration.
Immigration légale : de vraies divergences entre les candidats
Commençons par l’immigration de travail. Celle-ci représente 40 000 entrées d’immigrés par an sur le sol français et 14% de l’immigration totale. Valérie Pécresse en prend acte et préfère jouer la carte du « contrôle » et se refuse à stopper l’immigration de travail ni même à la réduire. En réalité, Pécresse mise avant tout sur les quotas en matière d’immigration, ce qui la conduit à solliciter essentiellement une immigration de travail et de peuplement.
En l’état, Pécresse s’accorde donc à rester à 40 000 entrées légales par an dans la mesure où elles répondraient à une demande effective de la part des entreprises d’où un paradoxe comptable.
Comment, en effet, peut-on contrôler une immigration légale quand les entreprises, pour la plupart, réclament une main d’œuvre bon marché ?
De fait, les entreprises sont, a priori, favorables à l’idée d’augmenter les flux d’immigration légale en raison d’un coût du travail moins important.
De son côté, Marine Le Pen se refuse à intégrer une main d’œuvre immigrée mais elle l’explique essentiellement en raison de la situation économique. En période de crise, la France ne peut pas accepter ces flux ce qui revient à considérer, en retour, qu’elle les accepterait en cas de prospérité économique.
Éric Zemmour est plus tranché : il refuse toute politique d’immigration du travail même pour des raisons économiques, sauf exceptions liées à des profils hautement qualifiés.
Éric Zemmour est plus tranché : il refuse toute politique d’immigration du travail même pour des raisons économiques, sauf exceptions liées à des profils hautement qualifiés. A titre d’exemple, les étrangers résidant actuellement en France et chômeurs depuis plus de six mois devront partir. Au nom d’une politique de réindustrialisation et de plein emploi, notamment dans les zones rurales où les Français occupent tous les métiers, Zemmour entend toucher l’ensemble des secteurs y compris ceux réclamant une main d’œuvre faiblement qualifiée.
Au sujet de l’immigration légale de peuplement qui représente a minima 90 000 entrées par an, Le Pen et Zemmour veulent supprimer le regroupement familial ce qui aurait pour effet de freiner drastiquement les flux (autour de 2000 par an) et d’étudier au cas par cas les titres de séjour pour motif familial comme par exemple un Français qui reviendrait d’une expatriation au Japon avec une compagne japonaise.
Pécresse cherche à « durcir les conditions économiques » de l’immigration familiale à partir d’un seuil de revenus nécessaires et des critères du logement (taille minimum, etc) ce qui semble difficile à évaluer dans la mesure où, sans jamais préciser à combien fixer ce seuil, Pécresse néglige que les attestations d’hébergement ne sont jamais contrôlées sans compter les attestations sur l’honneur de proches se portant caution, d’où des contournements voire des abus possibles, ce qui reviendrait environ à 70 000 entrées par an.
Concernant, enfin, l’immigration liée aux étudiants, nous relevons 90 000 entrées par an. Selon Pécresse, elle participe du « rayonnement de la France » ; elle ne veut donc pas diminuer les visas pour les étudiants.
Sans toucher Erasmus qui ne nécessite pas de visas, Zemmour entend les réduire à partir d’un critère au mérite à hauteur de 5 000 heureux candidats. De son côté, Marine Le Pen propose de ne pas limiter les visas étudiants à condition qu’ils retournent dans leur pays dès la fin des études, ce qui ne va pas sans paradoxe. Pourquoi, en effet, accepter un retour au pays quand on peut très bien assurer une assimilation par la culture de l’excellence ?
Concernant enfin la politique d’immigration légale au niveau des titres de séjour humanitaires, incluant les demandes d’asile, on en dénombre 35 000 par an.
Valérie Pécresse s’accorde ici avec Marine Le Pen dans la mesure où elles n’entendent pas toucher aux critères d’obtention du droit d’asile mais seulement modifier les modalités pour en faire la demande. Par exemple, les demandes d’asile passeront par l’ambassade ou le consulat et non depuis la France. Zemmour également, bien qu’il reconfigure les critères d’attribution.
Il faut rappeler ici que le coût de l’asile (lequel comprend une gestion des trajets, des équipes de magistrats, greffiers, fonctionnaires à former, etc) s’élève à plus d’un milliard par an pour le pays. Zemmour s’en passe volontiers et ne retient que les quelques « héros » exceptionnels, par définition, comme pendant les années 1970, ce qui réduit les titres de séjour à 300 environ. Zemmour rejoint cependant Le Pen quand cette dernière propose le retour des réfugiés dans les pays devenus sûrs, ce qui n’est en revanche pas le cas du côté de Valérie Pécresse.
Si on récapitule les chiffres de toute l’immigration légale (travail, familial, étudiants, asile), on aurait 235 000 entrées par an en appliquant le programme de Pécresse ; 9 000 titres de séjour annuels octroyés en appliquant celui de Zemmour et 40 000 entrées par an pour celui de Le Pen. Des différences notables.
Si on récapitule les chiffres de toute l’immigration légale (travail, familial, étudiants, asile), on aurait 235 000 entrées par an en appliquant le programme de Pécresse ; 9 000 titres de séjour annuels octroyés en appliquant celui de Zemmour et 40 000 entrées par an pour celui de Le Pen. Des différences notables.
Lutte contre l’immigration illégale : Pécresse à la traîne, Zemmour intransigeant
Impossible par définition à bien déterminer, l’immigration illégale réclame aussi une politique ferme. Là aussi, les candidats de droite ont des propositions divergentes. S’agissant du contrôle des frontières, Pécresse prône un renforcement de Frontex pour limiter les arrivées de clandestins. Elle dépend donc du bon vouloir de l’UE qui a déjà fait savoir, par la voix d’Ursula von der Leyen, qu’elle ne « financera pas de murs et de barbelés ». Une mesure dont la portée semble donc assez réduite. Zemmour et Le Pen veulent, de leur côté, rétablir le contrôle aux frontières en revenant sur les accords de Schengen, ce qui aurait un vrai impact. Zemmour y ajoute la création d’un corps de garde-frontières au statut militaire.
Sur les 100 000 personnes déboutées du droit d’asile, 75 000 environ s’installent clandestinement sur le territoire français. Seule la surveillance des frontières peut limiter ce flux clandestin, d’où le rétablissement des contrôles aux frontières réclamé par Zemmour et Le Pen.
Sur les 100 000 personnes déboutées du droit d’asile, 75 000 environ s’installent clandestinement sur le territoire français. Seule la surveillance des frontières peut limiter ce flux clandestin, d’où le rétablissement des contrôles aux frontières réclamé par Zemmour et Le Pen.
Quant aux fameuses « pompes aspirantes » que représentent les aides sociales, Pécresse veut conditionner l’octroi de celles-ci à un séjour régulier des étrangers extra-européens depuis plus de 5 ans sur le territoire français quand Marine Le Pen entend les conditionner à cinq années de travail régulier en France. Éric Zemmour, quant à lui, entend supprimer toutes les aides sociales non contributives à tous les étrangers extra-européens, mesure bien plus radicale. De plus, comme Marine Le Pen, il supprime l’AME quand Pécresse veut simplement la limiter aux soins urgents, ce qui était déjà le cas avant sa création en 2000 par Lionel Jospin…
Concernant le sujet le plus épineux, les expulsions, Le Pen et Zemmour se rejoignent pour rétablir le délit de séjour irrégulier en vue de stopper les clandestins dès leur contrôle. Pécresse n’a pas retenu cette mesure.
Pour Le Pen, le délit est passible d’une peine de prison ferme avec garde à vue et procédure de comparution immédiate jusqu’à départ effectif. Pécresse fait, quant à elle, le pari des négociations avec les pays hors UE pour contrôler ces flux migratoires. Cependant, elle veut « intensifier les charters » et promet comme Marine Le Pen « zéro visa » aux pays qui refusent de reprendre leurs ressortissants. Zemmour y ajoute des moyens de pression plus radicaux : suppression de l’aide au développement, gel des avoirs des dirigeants, blocage de fonds vers les pays récalcitrants.
Droit du sol et naturalisations : des différences notables
Reste enfin la question des naturalisations au sujet de laquelle le programme des trois candidats diverge. Marine Le Pen et Éric Zemmour proposent de supprimer le droit du sol quand Valérie Pécresse maintient ce droit en le conditionnant à un casier judiciaire vierge et à la maîtrise de la langue française. Elle ne s’attaque donc qu’au critère d’automaticité du droit du sol et non au droit du sol lui-même, qu’elle compte cependant supprimer mais uniquement à Mayotte et en Guyane.