Interview de Christophe Boutin pour Atlantico.
Atlantico : Marion Maréchal a annoncé ce vendredi vouloir refaire de la politique et “pencher” vers Eric Zemmour plutôt que vers Marine Le Pen. Ce ralliement potentiel pourrait-il marquer un tournant dans une recomposition de la droite nationale et plus largement de la droite ?
Christophe Boutin : Ce ralliement potentiel n’est pas en soi une grande surprise, il faut bien le dire. Dès son élection aux législatives de 2012, Marion Maréchal a cherché à représenter au sein du Front national d’alors un courant conservateur. Mais elle n’était pas en phase avec les attentes de l’équipe dirigeante, qui, dans sa logique de regroupement de la France du « non », c’est-à-dire de tous ceux, souverainistes de droite comme de gauche, qui s’étaient opposés au traité européen en 2005, considéraient cette approche comme contre-productive.
Mais Marion Maréchal a toujours considéré qu’avant même peut-être de se battre pour cette souveraineté à refaire, il fallait se poser la question de savoir qui devait redevenir souverain : à quoi bon en effet la souveraineté si elle est celle d’un groupe fragilisé par des oppositions internes majeures ? C’est toute la question de la primauté de la question identitaire que posait la jeune parlementaire dès cette époque.
Quelques années plus tard, la même Marion Maréchal s’écartait de la politique pour se lancer dans la création d’une école. Là aussi, les choix n’étaient pas neutres. Considérant que les élites françaises étaient plutôt déformées que formées par les idéologies qui dominaient dans leurs filières de formation, elle avait vu venir les délires « woke » et souhaité créer sa propre structure d’enseignement supérieur. C’est donc la même logique, métapolitique, pour laquelle la reconquête du pouvoir passe avant tout par le combat des idées.
Retrouver et diffuser les principes et les valeurs fondant l’identité nationale comme indispensable préalable pour changer de politique, on aura remarqué la convergence entre ce « gramscisme de droite » et les thèses d’Éric Zemmour. Il était donc logique que les deux se rencontrent, comme ils s’étaient d’ailleurs rencontrés lors de la Convention de la droite (2019), moment fort de la réunion d’une droite conservatrice qui vit, pourrait-on dire, l’acte de naissance en politique d’Éric Zemmour.
Un apport aujourd’hui ? Il est certain que Marion Maréchal a conservé une excellente image. Manifestement intelligente, ayant un discours très construit, sachant jouer des médias, assumant des choix très affirmés, ne cherchant pas systématiquement le conflit et n’ayant pas comme seul but de se conserver une place au soleil, elle apporte une certaine fraîcheur. Sa personnalité peut pousser d’autres personnes à suivre le même chemin. Mais son poids est d’ores et déjà tel que ce ralliement qu’elle pourrait faire – car elle ne l’a pas encore fait – ne peut déboucher qu’à sa participation au premier rang dans cette nouvelle offre partisane qui contribuerait à la reconstruction d’une droite en France, et il va falloir que chacun trouve sa place.
Lire la suite sur le site d’Atlantico.