Tribune de Frédéric Rouvillois dans l’édition papier du Figaro du 24 janvier 2022 ainsi que dans Le Figaro Vox. Le professeur de droit public et délégué général de la Fondation du Pont-Neuf y dénonce la règle actuelle en matière de parrainages des candidats à la présidentielle.
Comme la chute des feuilles, le risque de neige et la canicule, la question des parrainages revient à dates fixes durant les mois qui précèdent les élections présidentielles – et, avec elle, la charge rituelle contre les candidats accusés à tort ou à raison de crier au loup alors qu’ils seraient certains d’obtenir les 500 précieuses signatures.
Il n’empêche: que penser d’une règle qui, loin de rationaliser le jeu politique, entraîne des perturbations répétées, suscite dans l’opinion un sentiment de malaise et fait planer un risque non négligeable, celui du «séisme», réel ou supposé, qu’entraînerait la non-candidature d’une voire de deux personnes pour qui, assurent les sondages, souhaitent voter 15 ou 20 % du corps électoral? Il faut donc prendre du champ – pour constater que la règle actuelle relative aux parrainages est insoutenable, dans son principe comme dans sa pratique.
En 1962, au moment où l’on instaure l’élection du chef de l’État au suffrage universel direct, un système de filtrage avait été établi afin d’empêcher que n’importe qui puisse se présenter – ce qui aurait eu pour effet de discréditer cette élection, ses résultats et l’autorité du président élu. Il faut bien, explique alors de Gaulle, «éviter l’énergumène qui jettera le trouble». C’est suivant cette perspective qu’après avoir songé d’abord au chiffre de 50 parrains, qui lui semble suffisant, il accepte d’aller jusqu’à 100. En revanche, de Gaulle refuse de suivre Georges Pompidou, qui suggère de monter jusqu’à 1000, 2000, voire 5000 parrains, ce qui eût limité les candidatures aux représentants des deux principaux partis, et assuré leur mainmise sur une élection qui visait précisément à limiter leur influence.
C’est pourtant ce qui va arriver au début du septennat du président Giscard d’Estaing, la loi organique du 18 juin 1976 relevant la barre à 500 parrainages provenant d’au moins trente départements. Si l’on ajoute que ces parrainages sont uniques, publics et qu’ils doivent être recueillis dans un délai très bref, on comprend pourquoi il est désormais impossible de se présenter à la présidentielle si on ne dispose pas, sur l’ensemble du pays, d’un réseau dense et bien implanté au niveau local. Lire la suite sur le site du Figaro Vox.