Interview de Christophe Boutin, membre de la Fondation du Pont-Neuf sur Atlantico, au sujet de la campagne présidentielle.
Atlantico : Alors que le candidat de Reconquête est en baisse dans les sondages, de nombreux proches de Marine Le Pen quittent le navire du RN pour la nouvelle vedette de Zemmour et après Jérôme Rivière et Damien Rieu, c’est au tour de Gilbert Collard de rejoindre la barque. Dans la mesure où la candidate du Rassemblement National a toujours une tête d’avance dans les sondages, cela montre-t-il que nombreux sont ceux à voir de vraies différences idéologiques entre les deux personnalités ? Que peut-on déduire de cela ?
De très nombreux points sont ici à prendre en compte pour tenter de donner quelques éléments d’explication à ces ralliements. Premier point, les récents ralliés à Éric Zemmour ne sont pas des produits de la « culture » FN/RN, mais des arrivés plus ou moins récents, ayant eu une carrière politique ailleurs – et des carrières d’ailleurs très différentes. C’est le cas de Jérôme Rivière, ancien parlementaire de l’UMP, puis écologiste de droite et villiériste, qui ne rejoint véritablement le FN/RN qu’en 2017, et vient de devenir vice-président de Reconquête. C’est le cas de Damien Rieu, qui, après un passage au Front National de la Jeunesse, rejoint Génération Identitaire, puis revient au RN avant de passer chez Éric Zemmour. C’est le cas enfin du très individualiste Gilbert Collard, le seul peut-être à véritablement répondre à ce critère de « proche de Marine Le Pen » que vous évoquez, puisque, effectivement, il a été en 2012 et après un soutien pour elle au sein de son parti. Ce sont donc plus des ralliés que des piliers qui s’en vont.
Deuxième point, ces ralliés sont des individus, et non des chefs de groupes. Gilbert Collard n’avait derrière lui aucune structure partisane, Jérôme Rivière n’a entraîné à sa suite aucun courant de l’UMP, et les Identitaires de Damien Rieu, soit quelques dizaines de militants, l’ont d’autant moins suivi que la thématique de l’identité n’a cessé de baisser au RN. N’ayant rien apporté en termes de militants, leurs départs sont sur ce point des épiphénomènes pour le parti, car l’un des avantages actuels de Marine Le Pen, si l’on en croit les sondages, est de disposer d’un socle électoral relativement peu mobile, qui ne sera sans doute pas impacté.
Troisième élément, l’ancien parlementaire UMP, le militant identitaire et l’avocat célèbre venu de la gauche peuvent difficilement être intégrés sur une même ligne politique claire. Ils ne le seront d’ailleurs pas plus à Reconquête, qui bénéficie ici du flou relatif de la formule d’union des droites. Il ne faudrait donc pas penser les choses – ou pas uniquement – en termes de luttes doctrinales et en négligeant les éventuels conflits d’intérêt. Lire la suite sur le site d’Atlantico.