Une tribune d’Hadrien Desuin, responsable des questions internationales du Pont-Neuf, publiée dans Le FigaroVox.
FIGAROVOX. Vladimir Poutine a promulgué une loi lui permettant de se représenter à la fin de son mandat actuel. À travers cette manœuvre, quel message envoie le président russe au reste du monde ?
Hadrien DESUIN.- Poutine conserve une marge de manœuvre confortable vis-à-vis de ses partenaires internationaux qui sont pour leur part accaparés par les élections intermédiaires ou leur propre réélection. Avec cette loi, le président russe leur envoie un signal fort: ils devront encore compter sur lui dans les années à venir. Paradoxalement, il renvoie aussi l’image d’un président qui ne parvient pas à organiser une transition, voire un leader qui n’arrive pas à lâcher le pouvoir; un peu comme si sa forte personnalité était inséparable du destin de la Russie.
Cette réforme constitutionnelle renforce encore un peu plus le pouvoir poutinien mais elle peut donc être un aveu de faiblesse. Cette présidence à rallonge est stable mais elle démontre en même temps que la démocratie russe ne peut toujours pas fonctionner sans Poutine. Or Poutine, s’il préside la Russie depuis plus de 20 ans, n’est pas éternel. Son vieillissement entraînera de fortes turbulences politiques entre ses héritiers et ses opposants dans un pays connu pour ses soubresauts révolutionnaires. J’ai tendance à penser qu’une personnalité politique de la trempe de Poutine ne se rencontre qu’une seule fois par siècle. À la fin de ses mandats, Poutine aura connu une longévité politique supérieure à celle de Staline ! La question demeure: est-ce que la démocratie poutinienne pourra survivre à sa disparition politique ?
Cet éventuel prolongement au pouvoir du président russe peut-il engendrer des conséquences sur les relations entre la Russie et les «démocraties occidentales»?
Les pays européens ayant plus ou moins aligné leur position sur celle des États-Unis, ces derniers devraient suivre Joe Biden dans sa croisade pour la démocratisation de la Russie. Mais une révolution de palais reste improbable et le retour de Navalny et sa vidéo sur la villa du Président n’a été qu’une tempête dans un verre d’eau. Bien que l’annonce de cette réforme constitutionnelle soit antérieure, l’arrivée de Biden durcit encore un peu les relations entre l’Europe et la Russie car son administration exerce une pression sur l’opposition russe, dans «l’étranger proche» (Biélorussie, Ukraine, Caucase, Asie centrale) mais aussi en Europe occidentale.
Lire la suite sur le site du FigaroVox.