Atlantico publie un débat entre Chantal Delsol et Christophe Boutin, tous deux membres de la Fondation du Pont-Neuf, autour du sondage Harris interactive, indiquant que 58% des Français soutiennent la tribune des généraux publiée par Valeurs actuelles.
Atlantico : Suite à la publication d’une tribune signée par des généraux qui laisse planer la menace d’une intervention de leurs « camarades d’active dans une mission périlleuse de protection de nos valeurs civilisationnelles », 49% des Français se disent en faveur d’une intervention de l’armée même sans sollicitation du gouvernement, selon un sondage Harris Interactive. Déjà en 2017, un sondage Ifop pour Atlantico révélait que 38% de sondés se disaient favorables à ce que « la direction du pays soit confiée à un pouvoir politique autoritaire ». Comment expliquer cette tendance, et cet échec de la confiance en la démocratie ?
Chantal Delsol : La tribune des généraux en soi n’affirme que des évidences, sauf cette phrase inquiétante supposant que l’armée pourrait intervenir en cas de besoin, sans mentionner que ce serait à l’appel du gouvernement. Que la moitié des Français soutiennent cette tribune, montre à quel point ils sont inquiets, et prêts à utiliser les grands moyens en rapport avec la gravité de la situation. La confiance dans la démocratie se délite depuis des décennies, et pour plusieurs raisons différentes (éloignement des gouvernants, décisions supra-nationales, fossé entre les élites et le peuple…). Mais ici nous avons un aveu de défiance envers la capacité des gouvernants d’abord à nommer les problèmes et à accepter leur existence, puis, par voie de conséquence, à y répondre. Quand on écoute ce qui se dit sur les plateaux de TV depuis quelques jours, il est clair que presque tous les médias, qui sont les expressions du pouvoir, sont révoltés contre cette tribune – pendant que la moitié des citoyens la plébiscitent… on voit la rupture entre le peuple et la toute petite élite.
Christophe Boutin : Il faut ici clairement distinguer deux éléments, ou plutôt trois : le premier est le recours à un pouvoir autoritaire, qui peut, pourquoi pas, être incarné par un militaire ; la deuxième est le fait de faire participer les armées au rétablissement de l’ordre public dans le cadre constitutionnel ; le troisième est une action autonome des armées qui écartent les pouvoirs publics constitutionnels. Premier élément donc, la demande faite par les Français de recourir à un pouvoir autoritaire se substituant à des pouvoirs politiques incapables d’affirmer leur choix en temps et en heure, de définir clairement des priorités ou des responsabilités et d’en tirer les conséquences. Le mythe de « l’homme fort » dépasse ici très largement la seule question des militaires, et on pourrait citer des dizaines d’hommes politiques « à poigne » qui se sont même parfois défiés des militaires, à l’exemple de Clémenceau.
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