Christophe Boutin était l’invité d’Atlantico pour évoquer l’invasion du Capitole par les partisans de Donald Trump le 6 janvier dernier et la fracture qu’elle révèle au sein de l’Amérique.
Atlantico.fr : Peut-on considérer que les évènements du Capitole soient le résultat d’une faute partagée entre une rhétorique populiste musclée du président américain et un discours démocrate avilissant et méprisants les partisans de ce dernier ?
Christophe Boutin : Sortons un instant du seul cas des Etats-Unis si vous le voulez bien. Les évènements du Capitole sont en effet avant tout le fruit d’une désagrégation globale de nos démocraties occidentales, due au clivage qui s’accroit entre les dirigeants et les peuples, au point que s’estompe la confiance dans les institutions, mais aussi dans le système démocratique lui-même.
Les populations n’ont d’abord plus qu’une confiance modérée dans les modalités pratiques de fonctionnement de nos démocraties. La procédure du vote est ainsi largement mise en cause, avec de permanents soupçons de fraude. Ce n’est pas une nouveauté, d’abord parce que la fraude électorale a toujours existé – qu’on se rappelle les municipalités communistes qui s’en faisaient une spécialité -, ensuite parce qu’il est toujours tentant pour le perdant d’expliquer ainsi sa défaite. La mode est maintenant aux accusations de cyber attaques – et notons que ce n’est pas Donald Trump, mais bien les démocrates, qui évoquaient il y a quatre ans la main de l’étranger, les fameux trolls poutiniens, pour expliquer qu’une Hilary Clinton, élue avent la campagne, ne le soit pas à la fin. Par ailleurs les sommes colossales maintenant dépensées dans les campagnes, comme l’utilisation de l’intelligence artificielle et des métadonnées, donne une ampleur inégalée à des spin doctors, manipulateurs de l’opinion publique qui sont à nos démocraties ce que les pires des sophistes étaient à la Grèce antique.
Mais les populations des démocraties occidentales n’ont pas plus confiance dans leurs gouvernements qu’ils n’en ont dans leur mode d’élection : partout c’est la même critique, dénonçant les agissements d’une oligarchie finalement plus cooptée qu’élue et se partageant ensuite postes et prébendes, endogamique, coupée du reste de la population dont elle ne comprend plus les attentes ou les angoisses, et qui, bien qu’agissant théoriquement dans le cadre des États nations, semble servir avant tout des intérêts supranationaux.
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