Tribune de Frédéric Rouvillois publiée le 6 mars 2024 par Valeurs actuelles.
Au matin ensoleillé du grand jour où le Congrès, pour la première fois depuis 2008, se réunissait à Versailles afin de réviser la Constitution, en cet Austerlitz de l’émancipation, tous les médias mainstream reprenaient en boucle la formule sacrée : « La France sera le premier pays à graver l’IVG dans le marbre de la Constitution. » L’intérêt des mantras que l’on répète mécaniquement, c’est d’éviter de réfléchir et de se poser des questions gênantes.
Reprenons les termes. La France, donc, serait “le premier” pays, etc. Émerveillement des commentateurs : la France, qui n’est plus la première sur aucun plan, le redeviendrait, grâce à l’intercession miraculeuse d’Emmanuel Macron, dès lors qu’il s’agit de “l’essentiel” : les droits de l’homme dont, comme chacun sait, elle est la patrie autoproclamée depuis 1789.
Comme alors, elle demeure l’indétrônable avant-garde des Lumières — l’expression “la première” impliquant en outre que nous serons nécessairement suivis par d’autres, puis par tous, avides de nous imiter. Nous ne faisons que les précéder dans la carrière, portant comme toujours et sans défaillir le flambeau qui illuminera le monde, conformément au progrès inéluctable de la raison et de la liberté.
Les premiers et peut-être les derniers
Le problème, c’est que depuis la Grande Guerre, les génocides à répétition et le dérèglement climatique, plus grand monde aujourd’hui ne croit dans le progrès, ce mouvement nécessaire de l’humanité vers la perfection. Or, s’il n’y a pas de progrès, cela signifie que nous ne sommes peut-être pas les premiers, mais simplement… les seuls. D’où une autre question : pourquoi les seuls ? Parce que nous sommes évidemment les meilleurs, les plus humains, les plus éclairés — et que les autres le sont donc moins que nous ?
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