Capture d’écran 2024-01-17 140117 – Patrick Buisson le JDD
Tribune de Frédéric Rouvillois publiée le 2 janvier 2024 dans le JDD Dieu sonde les reins et les cœurs, lui seul sait par conséquent ce qu’a pu penser Patrick Buisson en ses derniers instants. Cependant, on peut se demander si, malgré son insatiable gourmandise intellectuelle, ce « sulfureux » intellectuel de droite n’a pas été soulagé de quitter un monde qui lui était de plus en plus étranger. « À quoi bon ? » : tel est en effet le paradoxe ultime du conservateur. Si son objectif est de conserver ce qui lui semble avoir une valeur suffisante pour justifier le combat, que se passe-t-il lorsque toutes ces choses ont fini par s’évanouir, submergées par les conséquences du soi-disant progrès ? À quoi bon se dire conservateur lorsque, dans tous les domaines, esthétique, politique, religieux, moral, il semble qu’il n’y ait plus rien à conserver, plus rien qui en vaille la peine ? C’est là qu’intervient un autre paramètre, celui du temps et, plus précisément, de l’âge, qui vient se combiner avec les convictions, moins en raison d’une diminution de la force vitale qu’à cause de ce que l’on a connu, aimé, goûté, avant de le voir disparaître sans retour. Un jeune conservateur né avec le XXIe siècle n’éprouvera jamais ce « à quoi bon ? » parce qu’il n’a rien vu d’autre que ce qui est en train de se déployer sous ses yeux. Parce qu’il a toujours connu des campagnes sans paysans, sans haies, sans insectes, envahies par le plastique et les éoliennes ; des villages sans vie peuplés de vieillards moroses et grignotés par les lotissements périurbains ; des villes sans âme, sans tradition, sans identité commune ; des peuples ne parlant plus la même langue et n’adorant plus les mêmes dieux ; des nations écrasées par la mondialisation et disloquées par le communautarisme, des individus qui à la compagnie de leurs semblables préfèrent celle des machines, de la réalité augmentée et de l’intelligence artificielle. Quelles que soient ses convictions, ce jeune conservateur est de son temps : n’ayant rien vu de tout cela, il ne peut être réellement sensible à ce que Patrick Buisson a nostalgiquement évoqué dans ses films et dans ses essais […] Lire la suite de l’article dans le JDD.