Le polititologue membre de notre fondation Christophe Boutin est interrogé avec Maxime Tandonnet par Atlantico sur le fond de la crise politique et sociale suite à l’utilisation du 49.3 pour le vote de la réforme des retraite.
Atlantico : La réforme des retraites a donc été adoptée par 49-3 à l’Assemblée nationale. Des motions de censure ont été annoncées dans la foulée. Est-ce une énième crise politique, comme la France en à l’habitude ou une rupture plus profonde ?
Christophe Boutin : Si vous le voulez bien, relativisons un peu les choses. Tout d’abord, le texte n’a pas été adopté, puisque l’on ne sait pas si des motions de censure vont être déposées, et moins encore si une d’entre elles serait votée, ce qui entraînerait à la fois la chute du gouvernement d’Élisabeth Borne et la disparition de ce texte sur les retraites – au
moins temporairement.
Il ne s’agit ici, tout simplement – mais cela peut surprendre les Français qui n’y étaient plus habitués – que du fonctionnement démocratique des institutions dans le cadre d’un parlementarisme, et quand bien même s’agit-il ici de ce « parlementarisme rationalisé » voulu par la constitution de la Ve République. En ce sens, l’utilisation de l’article 49 al.3, dont c’est d’ailleurs la centième utilisation depuis 1958, n’a rien de spécialement antidémocratique, pas plus et pas moins que celle qui a pu être faite, à l’Assemblée nationale ou au Sénat, d’articles du règlement de ces chambres qui permettent à une majorité de passer outre les obstructions d’une opposition minoritaire.
Si crise politique, il y a, elle est peut-être finalement plus liée à la manière dont le gouvernement a voulu utiliser l’article 47–1, incluant son projet de réforme des retraites dans cette procédure spécifique qui concerne des projets de lois de financement de la sécurité sociale. Il s’agissait de bénéficier de plusieurs avantages, le premier étant le caractère accéléré de la procédure – vingt jours devant l’Assemblée nationale – mais, lié à l’obstruction de la NUPES, cela a conduit à ne pas pouvoir examiner certains articles essentiels de la réforme, si ce n’est en commission. Le second avantage est de permettre d’utiliser l’article 49 al.3 comme le fait Élisabeth Borne sans obérer pour cela l’unique possibilité d’utilisation de cette procédure par session parlementaire – une innovation d’une révision de 2008 décidément bien mal maîtrisée par son promoteur, Nicolas Sarkozy.
Enfin, si crise politique il y a, elle est aussi due à la manière dont les présidents des partis et des groupes parlementaires qui devaient constituer une majorité que les chiffres laissaient espérer se sont montrés incapables de tenir leurs troupes.
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