Atlantico a interviewé Christophe Boutin au sujet de la guerre en Ukraine.
Atlantico : Plus de 10 jours après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le conflit ne semble pas prêt de se terminer. Pensé comme bref par Poutine, il s’annonce finalement comme de longue durée. Plusieurs analystes évoquent l’idée que Poutine manque d’informations car il n’est que très peu remis en cause dans ses décisions. Dans quelle mesure le contrôle démocratique est-il inexistant en Russie ? Cette absence de contrôle des régimes autoritaires nuit-elle forcément à la bonne tenue d’une opération ?
Christophe Boutin : Je crois que de manière très générale, bien au-delà du seul cas russe, il convient de ne pas confondre le contrôle démocratique des décisions prises par le pouvoir exécutif d’une part, et les aides à la décision fournies aux dirigeants d’autre part. Certes, le contrôle démocratique (débat parlementaire, contrôle juridictionnel, avis de diverses autorités) peut apporter au titulaire du pouvoir des informations nouvelles susceptibles d’infléchir ses choix. Mais il n’est pas uniquement destiné à permettre de prendre une meilleure décision, mais aussi – et surtout, si on remonte à son origine historique -, à éviter les dérives d’un pouvoir qui pourrait se croire tout-puissant. Il relève donc plus du contre-pouvoir que de la collaboration des pouvoirs.
Dans l’hypothèse que vous évoquez, Vladimir Poutine aurait surtout manqué d’informations au stade de la préparation de sa décision, bien en amont donc de celle du contrôle démocratique. La question n’est alors pas seulement celle de l’effet supposé d’un tel contrôle sur les décisions du maître du Kremlin, mais aussi et surtout celle de la manière dont un pouvoir autoritaire peut basculer dans un certain autisme. C’est un phénomène connu. Quand le titulaire d’un pouvoir, chef d’État ou chef d’entreprise, ne trouve plus en face de lui quelqu’un pour lui apporter la contradiction, car personne n’ose plus le faire par peur de sanctions, le débat contradictoire qui permettrait de remettre en cause certains éléments et, peut-être, de prendre la même décision, mais en en ayant alors mieux évalué toutes les conséquences possibles, disparaît. Ne reste qu’un phénomène de cour où gravitent autour du dirigeant toute une série d’affidés qui, pour conserver leur place, usent de la flatterie et abondent dans le sens supposément voulu par ce dernier.
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