Tribune publiée par Frédéric Rouvillois dans le FigaroVox le 31 décembre 2021.
Il n’est décidément pas très difficile de scandaliser les bien-pensants : c’est ce qu’éprouva une fois de plus Éric Zemmour début décembre lors de son meeting à Villepinte en s’attaquant nommément au chef de l’État, et en déclarant que celui-ci ne croyait en rien, et donc, qu’il n’était rien : «Le grand vide». Il est vrai que les bien-pensants ainsi scandalisés, ayant eux-mêmes voté Macron il y a cinq ans et s’apprêtant à le faire à nouveau, se sentirent probablement visés par une accusation qu’ils devaient surtout juger fort peu convenable. Ils oubliaient ce faisant que la politique n’est pas le lieu des bonnes manières, alors que c’est sur le fond qu’ils auraient pu contester l’estocade : car en réalité, Macron n’est pas vide.
On devine évidemment l’intérêt rhétorique qu’il y avait, pour Éric Zemmour, à prétendre le contraire devant 20 000 personnes réunies pour l’acclamer, et pour huer avec la même vigueur sa tête de Turc élyséenne. Devant un tel public, il faut des mots qui claquent, des slogans qui font mouche, pas de pesantes démonstrations théoriques : ce n’est ni le lieu, ni le moment. N’empêche : même si elle réjouit à bon compte les militants, cette formule n’en est pas moins inexacte, et ceux qui, à droite, espèrent l’emporter aux prochaines élections sur l’actuel président de la République, auraient tout intérêt à en prendre conscience, et en tirer les conséquences.
Macron n’est pas vide, même si, reconnaissons-le, les apparences sont trompeuses : et en particulier, le fameux «en même temps» dont le Président a voulu faire sa marque de fabrique. La déduction paraît pourtant facile : quelqu’un qui, sur un même problème et dans un même discours, sinon dans une même phrase, énonce deux propositions contradictoires, semble indiquer que l’une et l’autre se valent, qu’il faut n’en privilégier aucune, et qu’en définitive, lui-même ne croit en rien. Qu’il n’est rien. In- croyance généralisée que confirmeraient du reste les sinuosités, les méandres et les changements de cap présidentiels, le «en même temps» traduisant au mieux un pragmatisme érigé en principe, au pire un simple opportunisme.
Lire la suite sur le site du FigaroVox.