A l’occasion de la récente décision du tribunal constitutionnel polonais, le professeur Frédéric Rouvillois évoque dans les pages débats du Figaro du 25 octobre 2021 la question de la primauté du droit communautaire telle qu’elle se pose en France.
Aux yeux de ceux que l’on appelait autrefois les Français moyens, la primauté du droit européen n’est qu’une question juridique aride et obscure, de celles que l’on abandonne sans regrets aux spécialistes ou aux futurs candidats à l’élection présidentielle. Il s’agit pourtant d’un point politique capital: en novembre 1988, c’est précisément la contestation de ce principe, celui de la primauté du droit soviétique, formulée par la République fédérale d’Estonie dans une retentissante «déclaration de souveraineté», qui sonna le glas de l’URSS et finit par entraîner sa chute. Sans doute n’en sommes-nous pas là: mais les récentes prises de position du président Macron, en écho à la jurisprudence du tribunal constitutionnel polonais et aux déclarations devant le Parlement européen du premier ministre Morawiecki, n’en suscitent pas moins une certaine perplexité. Pour Emmanuel Macron, partisan inconditionnel d’une «souveraineté européenne» appelée selon lui à se substituer à celle des États membres, la primauté du droit de l’Union européenne est une évidence indiscutable et non négociable. Et de fait, c’est bien de souveraineté dont il s’agit ici: le principe de primauté signifiant tout simplement que la totalité du droit européen (aussi bien le droit dit «primaire», qui figure dans les traités signés par les États membres, que le droit dit «dérivé», produit par les institutions issues de ces traités) prévaut sur la totalité du droit interne des États, Constitution comprise (celle-ci incluant en outre les libertés et les droits fondamentaux). Les choses paraissent simples, également, lorsque, le 18 octobre dernier, le président Macron rappelle que «l’Europe, c’est nous qui l’avons faite et qui l’avons choisie. C’est nous qui l’avons construite. Tous les textes auxquels nous sommes soumis, nous les avons bâtis dans nos discussions, puis signés, puis ratifiés souverainement». Tout simplement? Sauf qu’il suffit de gratter un peu pour s’apercevoir de la supercherie. Pour constater que cette primauté, qu’il présente comme le résultat d’un choix conscient et d’une décision souveraine, fut en réalité introduite subrepticement, presque clandestinement, puis maintenue quasi frauduleusement.
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