Atlantico a interrogé Christophe Boutin au sujet des conséquences de l’élection de Joe Biden sur la bourse de Wall Street. Comme le relève Atlantico, « traditionnellement aux États-Unis, le parti démocrate comptait sur une base électorale venant des catégories populaires alors que le parti républicain s’appuyait sur les milieux d’affaires. Une évolution est pourtant en train de s’opérer. Joe Biden séduit de plus en plus Wall Street ».
Atlantico.fr : Auparavant aux États-Unis, le Parti Démocrate comptait sur une base électorale venant des catégories populaires alors que le Parti Républicain s’appuyait sur les milieux d’affaires mais cette dichotomie est en train de changer. Alors que Biden semble de plus en plus séduire Wall Street, la situation serait-elle en train de s’inverser ?
Christophe Boutin : Je crois que cette dichotomie que vous évoquez est maintenant totalement dépassée. Les milieux d’affaires ont parfaitement compris depuis longtemps que le Parti Démocrate était au moins aussi banckable que que le Parti Républicain, en permettant un aussi bon retour sur investissement – ils avaient d’ailleurs depuis longtemps aimablement versé leur obole aux uns comme aux autres. La nouveauté est que les démocrates se targuant d’être moraux, et les médias stigmatisant ceux qui ne communient pas dans une morale politiquement correcte, les versements en faveur de ce parti parent le donateur de cette aura d’éthique dont raffolent les entreprises les plus dévastatrices – une sorte de « moralwashing » qui a accru l’intérêt des boards de Wall Street pour le parti de l’âne.
Quant aux catégories populaires, les démocrates s’y sont intéressés, mais ont fait un choix qui leur a d’abord été profitable avant de se retourner contre eux. Face à une progression des républicains, ils se sont en effet posé la question d’accroître leur base électorale, et pour cela d’amener aux urnes les catégories défavorisées dont on sait que, bien souvent, elles ne participent pas à la vie politique. Or les démocrates sont essentiellement – et le dernier vote le confirme – des urbains qui vivent sur les deux côtes des États-Unis, Est et Ouest, et ne connaissent comme défavorisés peuplant les zones périurbaines ou urbaines dans lesquelles ils vivent que les représentants des minorités noires et hispaniques présentes sur des territoires que les Blancs pauvres ont quittés – le fameux « white flight ». C’est pourquoi, le discours des démocrates s’est essentiellement tourné vers les intérêts de ces minorités, ce qui était par ailleurs doublement valorisant : ils répondaient ainsi aux attentes des médias qui relayaient les pressions communautaristes, et se montraient bienveillants envers ce prolétariat qu’ils croisaient d’autant plus quotidiennement qu’il occupe toutes les tâches subalternes de leurs gigantesques cités – des plongeurs aux gens de maison, des cuisiniers aux conducteurs de taxis. Ce choix a effectivement réussi à ramener aux urnes un certain nombre de membres des minorités, et, s’il n’explique pas à lui seul l’élection de Barak Obama, y a sans doute contribué.
Le problème c’est qu’il y avait d’autres pauvres aux USA, ceux, blancs cette fois, de l’Amérique profonde, celle de la Bible belt ou de la Rust belt, essentiellement situés au milieu du pays, et qui subissaient de plein fouet les conséquences négatives de la mondialisation. Des pauvres qui souffraient non seulement du déclassement, économique et social, mais qui étaient en sus accusés de tous les maux – au premier rang desquels leur prétendu racisme congénital – par les intellectuels ou prétendus tels. Être ainsi régulièrement insulté par des artistes moralisateurs à longueur de médias est déjà pénible, mais être en sus tout aussi régulièrement accusé de stigmatiser par votre « privilège blanc » des gens qui bénéficient parfois d’aides auxquelles vous ne pouvez prétendre, et ce alors qu’elles sont dispensées par un pays bâti dans les siècles précédents par vos ancêtres, cela peut légitimement lasser.
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