A l’occasion du décès de la reine Elizabeth, Le Figaro (10 septembre 2022) publie une tribune de Frédéric Rouvillois, délégué général de la Fondation du Pont-Neuf, qui rend hommage au conservatisme spontané de la défunte reine.
Extraits :
C’est une chose singulière que de perdre une personne très chère et très âgée dont on avait toujours senti la présence bienveillante et qui avait fini par devenir une partie de nous-mêmes – au point de nous sentir perdus sans elle, et un peu orphelins. Quelques mois avant d’être fauché par la mitraille au tout début de la guerre de 14, c’est ainsi que Charles Péguy consacre quelques-uns de ses plus beaux vers à la mort de sainte Geneviève, patronne et protectrice de Paris:
«Tout un peuple assemblé la regardait mourir
Le bourgeois, le manant, le pâtre et le bouvier,
Pleuraient et se taisaient et la voyaient partir (…)
Et les durs villageois et les durs paysans
La regardant vieillir l’avaient crue éternelle (…)
L’amour de tout un peuple était tout son cortège».
Et au fond, c’est à ces vers dorés que fait penser la disparition de la reine, Elizabeth – leur reine, celle des Britanniques, mais qui, à force, avait fini par nous devenir si familière, qu’elle était aussi un peu la nôtre. La nôtre, parce qu’elle avait toujours été là, avec ses tailleurs pastel et ses chapeaux invraisemblables, son regard malicieux et son demi-sourire indulgent. Mais la nôtre aussi, parce que sans jamais jouer les Jupiter ni, à l’inverse, s’abaisser à la posture humiliante du «monarque citoyen», Elizabeth a toujours suivi sa voie et assumé son rôle, s’imposant ainsi comme un modèle discret mais convaincant de conservatisme spontané – ce qui, au pays de Burke, de Disraëli, de Chesterton ou de Churchill, était au fond la moindre des choses.
Après soixante-dix ans de règne, la reine Elizabeth apparaît pourtant d’abord, dans les souvenirs de chacun, comme une mère de famille. Lorsqu’elle monte sur le trône à l’âge de 25 ans, elle a déjà deux enfants, un garçon et une fille, le choix de la reine en quelque sorte. Et c’est à cette aventure-là que s’intéressent surtout, à l’époque, les chaînes télévisées encore rudimentaires du monde entier: à la vie quotidienne d’une toute jeune reine qui est aussi une jeune maman et dont l’un des enfants sera roi lorsque le temps sera venu.
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