NOTE DE LA FONDATION DU PONT-NEUF.
Introduction.
Tous les États s’interrogent régulièrement sur la pertinence de leur modèle de fonctionnement, tentant de l’évaluer pour le rendre plus performant et l’adapter aux circonstances nouvelles. La crise sanitaire de la Covid 19 aura certainement un effet d’amplification et d’accélération de telles démarches, tant les dysfonctionnements qui ont été relevés ont été importants, qu’ils touchent aux questions de souveraineté, de sécurité ou de résilience. Mais cette crise, par son ampleur même, peut aussi conduire à justifier des bouleversements profonds de ces structures – institutions, organisations, mécanismes de participation… – qui constituent pourtant les assises mêmes de nos sociétés. Le risque est patent de basculer une nouvelle fois, et de manière plus violente encore, dans cette fuite en avant qui semble être la marque de fabrique de notre moderne progressisme.
Pour répondre de manière efficiente aux défis, le seul choix possible serait-il donc celui de la déconstruction de nos sociétés ? Devons-nous, comme le fait par exemple la France depuis des années, et plus encore depuis 2017, multiplier les tentatives de révisions constitutionnelles, ajouter sans cesse à notre déjà pesante législation de nouveaux textes sans chercher sérieusement à appliquer les anciens, affaiblir un secteur public (transport, énergie..) qui est le fruit de l’épargne des générations précédentes, porter atteinte aux systèmes de protection sociale et de santé, ou stigmatiser une haute administration qui a tenu à bout de bras l’État lorsque les politiques étaient absents ?
À cela, le conservatisme, répond on le sait par la négative. Il n’est pas pour autant un fixisme qui scléroserait la société en se refusant d’abandonner des formes obsolètes, et empêcherait toute possibilité d’adaptation aux nouveaux enjeux. Mais il veille à ne pas couper les nécessaires évolutions du socle de nos sociétés, hors duquel ces changements perdent finalement tout leur sens.
Dans cette perspective, il semble important d’examiner le Nouveau Modèle de Développement dont une commission spéciale vient de proposer la mise en œuvre au Maroc. Important, parce que les points communs entre le royaume chérifien et notre République sont plus profonds qu’on le pense parfois. C’est ainsi le Maroc est l’un des rares États à être aussi enracinés que le nôtre dans l’histoire – la première dynastie marocaine date de 789, soit de l’époque de Charlemagne, et l’actuelle remonte à 1666, quand la France était gouvernée par Louis XIV. C’est ainsi aussi que le royaume a toujours su mêler des éléments institutionnels et constitutionnels proches des nôtres – nul ne niera l’influence de la constitution de 1958 et du droit public français – sans pour autant négliger les siens propres. Il nous a semblé en ce sens pleinement légitime de nous interroger, non sur tous les axes de réforme proposés par la commission, les thématiques développées étant trop diverses et nombreuses, mais sur l’aspect institutionnel des réformes proposées et, ce faisant, sur la méthode de travail de la commission.