Dans un thread, désormais en partie supprimée, la cheffe de file LFI aux sénatoriales, membre de l’Institut La Boétie écrit : « Rappel que la République a été fondée par des émeutiers détruisant des bâtiments publics. Dans 15 jours on fête l’incendie d’un bâtiment public ça va être trop le fun de voir Manu Macs au garde à vous pour célébrer la plus grande émeute de notre histoire. Ce sont les bourgeois qui appellent au calme (en fait à la soumission à l’oppression) qui ne sont pas assez intégrés à la culture française. La culture française, refondée en 1789, c’est d’abord et avant tout la lutte contre les tyrans qui piétinent les droits humains. Au-delà du tyran ponctuel qu’est Manu, il y a un régime autoritaire dégénéré qu’on nomme la 5e République, mais qui n’est plus une république car elle piétine les droits humains. » Dans quelle mesure faut-il voir dans ce texte et dans les prises de parole de divers insoumis un appel plus ou moins voilé à l’insurrection et une tentative de légitimation de l’article 35 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1793 ?
Christophe Boutin : « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. » Voilà l’article 35, de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ajoutée à la Constitution montagnarde, la Constitution de 1793, et il y aurait beaucoup à dire sur le sujet, et d’abord à replacer les choses dans leur contexte historique. Premier élément, cette Déclaration de 1793, qui remplaçait celle de 1789, réputée trop bourgeoise, n’a jamais eu à s’appliquer. En effet, jugeant que les menaces extérieures et intérieures étaient trop fortes pour mettre en application le texte qui venait d’être validé par le peuple, la Convention décida de « suspendre » la nouvelle Constitution et de repousser son application à des temps meilleurs. Or la suite, on la connaît : le « gouvernement par comités », la place du Comité de Salut public, le rôle joué par Robespierre et la dérive totalitaire de la Révolution, entre régime des suspects et exécutions de masse – par noyades à Nantes, en tirant au canon sur les prisonniers à Lyon, par tous les moyens en Vendée. Le gouvernement a alors bel et bien violé les droits du peuple – à la justice, à la sécurité, à l’expression de ses idées, à ses libertés d’aller et venir ou religieuses – et il a fallu le coup d’État de Thermidor pour mettre fin à cette trahison par la gauche la plus radicale de l’idéal proclamé dans la déclaration.
Pour autant, comme disait notre bon Clémenceau, la Révolution est un bloc, et Isabelle d’Artagnan, historienne médiéviste, mais qui ne rechigne pas à s’aventurer loin des piloris de sa thèse – une de ses dernières notes concerne « La fluidité de genre de l’Antiquité à nos jours. Des faits trans à toutes les époques » – n’a pas tort quand elle rappelle certains faits de 1789. L’un des éléments fondateurs de la Révolution française est bien une attaque dirigée contre un bâtiment public, la Bastille, prison aussi mythique que mythifiée. Émeute ? On se souvient du dialogue entre Louis XVI et le duc de La Rochefoucauld : « Mais c’est une révolte ! Non, Sire, c’est une révolution ». Il reste cependant que le 14 juillet n’est pas seulement un moment de commémoration de la prise de la Bastille (1789) mais aussi, et plus encore, de la fête de la fédération (1790), célébrant sur le Champ-de-Mars la Nation fédérée et réunie – bien autre chose donc que l’attaque d’un bâtiment public.
Lire la suite sur le site d’Atlantico.