Atlantico a interviewé Christophe Boutin au sujet de la recrudescence de l’état islamique au Mozambique.
Atlantico : Au Mozambique, la ville portuaire de Palma est tombée aux mains de l’Etat islamique qui étend de plus en plus son influence. L’État islamique est-il en train de reproduire une stratégie qui lui a permis d’asseoir son contrôle sur certains territoires sub-sahariens et au Proche-Orient ?
Christophe Boutin : N’inversons pas les choses. Au Mozambique, comme ailleurs en Afrique, les groupes islamistes djihadistes sont des créations locales qui, par la suite, s’affilient à l’État Islamique, comme on réclamerait une franchise. C’est en effet profitable pour les deux : pour le groupe local, qui acquiert ainsi une visibilité internationale, et pour l’EI, qui peut montrer à bon compte que son combat continue et se diversifie. De plus, et là aussi, au Mozambique comme ailleurs en Afrique, la caractérisation religieuse n’est qu’un des éléments d’explication de l’apparition de tels groupes, qui prennent naissance avant tout sur un terrain social fragilisé. Le Mozambique est un État multiconfessionnel – 60% de chrétiens, 20% de musulmans, 15 % d’animistes – mais la répartition très inégale des pratiquants conduit à un phénomène de minorité majoritaire (majority-minority) dans la province de Cabo Delgado dans laquelle ont eu lieu les attaques et où les 2,5 millions d’habitants sont à 60% musulmans. L’Islam s’est en effet propagé au cours de l’histoire le long de la côte est de l’Afrique, et le nord du Mozambique correspond à la limite de son implantation durable dans cette direction. Les tribus côtières islamisées ont alors commercé avec les mondes arabe et indien, en leur vendant les matières premières et les esclaves prélevés à l’intérieur du continent – avec des structures aussi importantes que les sultanats de Kilwa puis de Zanzibar, situés tous les deux dans des îles appartenant aujourd’hui à la Tanzanie, à proximité immédiate du Cabo Delgado. Le sud du Mozambique actuel était lui plus lié à l’empire noir du Monomotapa, devenu puissant grâce au commerce de l’or avant de passer sous contrôle portugais.
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